La pornographie : booster ou catastrophe ?

La pornographie : booster ou catastrophe ?

À partir de quel moment la pornographie influence-t-elle notre sexualité ? Les hommes sont-ils les seuls concernés ?

D’après une étude Ifop de 2014, nos comportements sexuels sont largement déterminés par notre consommation de porno : épilation, source de complexes, pratiques sexuelles… Elle semble même augmenter le risque de dysfonctions sexuelles.

Mia fait le point pour vous sur les conséquences liées à la pornographie, notamment chez les plus jeunes.


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Que signifie pornographie ?

Que signifie littéralement pornographie ? Pour comprendre son sens, il faut remonter à ses origines.

Le mot “pornographe” est introduit au XVIIIème siècle, du grec ancien pornógraphos, composé de pórnê, « la prostituée » et gráphô, « écrire ». Le pornographe était donc celui qui écrit des dessins obscènes, en référence au travail jugé « obscène » de la prostitution.

Ce sens de l’obscénité est resté dans la pornographie : il s’agit de la « description de choses obscènes », et de la « production, diffusion d’œuvres à caractères pornographiques (obscènes).

Selon la définition de Larousse, est obscène « ce qui blesse ouvertement la pudeur, surtout par des représentations d’ordre sexuel ou scatologique : des propos obscènes. ». Or, la sexualité n’est pas obscène en soi ; et visionner du porno n’est jamais innocent, puisque nous le recherchons…

Il semble donc que cette vieille idée de la pudeur soit dépassée de nos jours : la plupart des enfants de 13 ans ou presque ont déjà recherché ne serait-ce qu’une image à caractère sexuel, qu’elle soit « obscène » ou non.

Le rôle de l’éducation parentale et la question de la nudité

La nudité n’est pas “obscène” : ce sont certaines pratiques qui peuvent l’être. Tout comme la sexualité n’est pas obscène en soi. La question est plutôt d’ordre moral : est-il malsain de visionner l’intimité d’autrui et l’acte sexuel ?

Or, tôt ou tard, tout le monde se retrouve confronté à la nudité et à la sexualité. Ce qui est obscène, ce sont donc plutôt certaines pratiques que peut véhiculer la culture porno. Et l’on en revient donc à l’écart de réalité entre le porno et la sexualité.

Nous pouvons repenser fondamentalement notre éducation sexuelle dès l’enfance. Plutôt que d’interdire la pornographie – qui soit dit en passant n’a jamais empêché qui que ce soit d’y avoir accès – donnons une autre image de la sexualité.

Car découvrir la nudité dans un cours de SVT ne prépare pas nos enfants à la sexualité, ni même de sensibilise à l’écart de réalité entre sexualité et pornographie.   

Quelles peuvent être les conséquences de la pornographie sur la sexualité ?

Sous l’influence du porno, nos comportements peuvent changer, nos corps se modifier, et notre rapport à l’autre se transformer.

Le public jeune est le principal concerné, mais pas seulement. Et si les hommes consomment peut-être un peu plus de porno, les femmes ne sont pas loin derrière. En France, 28% des consommateurs de pornographie sont des consommatrices (2018 - Year in a Review, Pornhub). Ce chiffre augmente tous les ans (+3% par rapport à 2017). 

Alors quelle est l’influence du porno sur nos comportements ? Sur notre éducation ? 

L’âge moyen de la première exposition au porno ne fait que baisser ces dernières années (entre 13 et 14 ans), avec les risques que cela présente dans la construction mentale et sexuelle des enfants (sources : www.fr.statista.com). 

Par ailleurs, d’un point de vue esthétique, la pornographie véhicule déjà de nombreux codes : épilation intégrale, corps beaux et sculptés, pénis XXL, vulve se rapprochant souvent d’un sexe d’enfant, sans imperfections, lisse, surtout – sans poils…

Le culte de la plastique « hors norme » devient ironiquement une norme. Dans un monde en plastique, pour des sexualités en plastique, les corps n’ont jamais aussi peu semblés vivants, ramenés à l’état de machine, toujours plus orientés vers la performance.

Le souci, c’est que notre éducation et notre santé sexuelle en payent les pots cassés.

Alors que nous pouvons aujourd’hui « tout voir » et presque « tout faire » sexuellement, dans une société où la sexualité est censée être libérée, le discours de la sexualité est devenu aussi ringard qu’un vieux feuilleton des Feux de l’amour

Et notre imagination n’a jamais semblé aussi pauvre que dans les « scénarios » pornographiques ; car stimuler son imaginaire en visionnant du porno, peut contribuer à nous rendre fainéant, paresseux – au détriment d’une vraie sexualité.

Les dangers liés à l’abus de pornographie : la question de l’éducation sexuelle

L’abus de porno modifie, conditionne, notre rapport à la sexualité ; notamment chez les plus jeunes qui découvrent la sexualité par ce biais – avant même d’expérimenter la sexualité de l’autre (ou en solitaire).

Pour autant, est-ce que la pornographie est entièrement condamnable ? La sexualité (comme comportement) pose en effet la question des limites : jusqu’où pouvons-nous aller dans nos pratiques ? À partir de quel moment la pornographie devient-elle dangereuse ?

Pour André Corman, médecin sexologue et directeur du diplôme de sexologie à l’université de Toulouse, la pornographie est un danger surtout du point de vue de l’éducation sexuelle :

 « Elle [la pornographie] devient problématique à partir du moment où elle devient éducation sexuelle, nous explique-t-il. En effet, le public intéressé est de plus en plus jeune, et leur vision de la sexualité est donc déformée. Cela alimente aussi de nombreux complexes, particulièrement chez les hommes : durée du rapport, puissance de l’éjaculation, taille du sexe… Cela développe une nouvelle logique de comportement et de raisonnement. »

Mais les jeunes femmes aussi peuvent se mettre la pression, notamment parce que la pornographie impose des normes :

« Par exemple, reprend André Corman, il arrive souvent qu’une jeune fille accepte de pratiquer la sodomie, par peur de ne plus être aimée ou de ne pas être à l’heure du jour. Les hommes ne s’accordent plus non plus aucune faillite possible : ils ont peur d’éjaculer trop vite, d’avoir un sexe trop petit… Bref, l’anxiété de performance est un problème majeur pour notre sexualité. »

Quel est l'impact de la pornographie dans le couple ?

De manière générale, l’abus de pornographie augmente le risque de dysfonctions sexuelles : manque de désir, d’excitation, dysfonction érectile… Notre réponse sexuelle s’en trouve largement modifiée.

Au sein du couple, la pornographie peut même installer un climat dangereux : notre image du corps est influencée, nous modifions nos pratiques, et finalement notre rapport à l’autre.

Enfin, la masturbation liée au visionnage de porno est un plaisir solitaire, que l’on ne retrouve pas forcément de la même manière lorsqu’on est avec son partenaire.

Certaines personnes ont par exemple du mal à retrouver les mêmes sensations avec leur partenaire. De plus, la pornographie alimente notre désir de toujours « en voir plus » et le moyen anonyme et secret de satisfaire nos curiosités…

Elle peut devenir à tort le « remède » à une certaine monotonie liée à nos pratiques, à notre sexualité, ou à l’essoufflement de nos relations.

Seulement, la plupart des réponses qu’elle apporte sont basées sur la peur, la douleur, la contrainte, l’humiliation, ou encore les insultes ; bref, une forme de sexualité réductrice et caricaturale.

L'impact du porno dans le couple

Ces émotions, que l’on vit en solitaire ou que l'on peut être tentés de vivre à deux / voir d'imposer dans certains cas, peuvent donc se répercuter sur notre sexualité globale.

Par ailleurs, la pornographie met en scène des acteurs ; et de nombreuses techniques sont utilisées pour que cela passe à l’image : les plans ne sont pas naturels, ils sont pensés pour qu’on puisse “tout voir” ; on peut avoir des injections pour un pénis plus gros, en érection indéfiniment (les tournages “pro” durent plusieurs heures) ; les femmes mettent des ventouses pour avoir des lèvres externes plus bombées ; on maquille les corps et les visages ; bref, le plaisir est quasiment absent, que ce soit du côté de l’homme ou de la femme. 

A lire aussi : perte de libido chez l'homme, que faire ?

On peut aussi évoquer les cas où le consentement n’est pas pris en compte pour certaines scènes plus hard. Par exemple, la majeure partie des actrices n’acceptent pas la sodomie, mais cela ne dure généralement que 2 tournages face à la montée du porno amateur - les sex cam etc. avec la monétisation en direct. 

Le tout, ultra éloigné de la réalité. 

Faut-il bannir la pornographie ?

N’ayez crainte, nous ne sommes pas en train de dire que la pornographie est nécessairement dangereuse. La curiosité, les fantasmes, les nouvelles expériences font partie intégrante de notre humanité.

La pornographie peut devenir un danger lorsqu’on en abuse. Notamment pour les adolescents, qui imaginent pouvoir apprendre la sexualité à travers ce biais, elle transmet une image erronée, à l’origine de nombreux complexes et d’une recherche de sexualité illusoire.

Pour les couples, elle peut créer des fractures, même si elle est de moins en moins taboue au sein du couple.

La pornographie n’est donc pas à bannir, si elle répond à certaines limites, et si elle ne modifie pas notre sexualité de manière pathologique : ne plus éprouver de désir pour l’autre, d’excitation suffisante pour une érection ou pour la lubrification du vagin, bref, si elle creuse la distance entre la réalité de la sexualité et nos fantasmes.

Le plus important est de garder la main sur sa consommation de pornographie, qu’elle soit vécue de manière consciente et qu’elle ne remplace pas la sexualité partagée. 

Enfin, il faudrait imaginer ou repenser une meilleure éducation sexuelle tout au long de la vie, à la maison, avec ses parents, au collège, afin d’éviter que nos enfants commencent leur vie (sexuelle) du mauvais pied ; car la sexualité est un aspect fondamental de notre vie d’adulte et de notre bien-être.

Comment réinventer la pornographie ?

Il faudrait peut-être alors réinventer le porno. Et c’est ce que de nombreux indépendants ont déjà commencé à faire comme par exemple, la réalisatrice Erika Lust et ses films basés sur des fantasmes, avec des acteurs volontaires et 100% consentants. Le porno auditif lancé par Olympe de G vous guide les oreilles tout en laissant l’imagination se réexprimer. 

Ouvrir sur la nouvelle vague du porno amorcée où l'on montre des vraies relations sexuelles, avec du vrai plaisir, et un mix entre des acteurs et des personnes consentantes amatrices, des corps divers (erika lust pour ne citer qu'elle : elle base ses scénarios sur des récits de fantasmes), etc. 

En soit, la réintégration de l'érotisme dans la pornographie pour faire un joli mix entre recherche de plaisir et sensualité. 

(Ce qui est sans doute déjà le créneau de certains sites). En effet, puisque nous y sommes confrontés de plus en plus tôt, pourquoi ne pas donner une orientation éducative à la sexualité de cette manière ?

Plutôt que de rester cloisonné dans de vieux clichés, combattons le harcèlement, la culture du viol, du sexisme et de toutes les formes d’oppressions sexuelles.

Ce qu'il faut retenir

La pornographie a une fâcheuse tendance à nous éloigner de la réalité. Même si elle reflète certains codes de sociétés, nos préjugés, et certains de nos fantasmes.

Cela ne veut pas dire que l’on ne peut tenter de reproduire certaines acrobaties. Mais que cela ne doit pas constituer une norme – particulièrement pour les plus jeunes.

Cela peut rester « ludique » et alimenter nos fantasmes, mais n’oublions pas que la sexualité sera toujours plus belle partagée. Tomber dans une rengaine « pornographie/masturbation » addictive, aura toujours des effets négatifs ; pour soi-même et pour son couple. 

Posons des limites à notre consommation de porno donc, afin de ne pas oublier que la réalité est différente. L’addiction à la pornographie touche entre 6 et 9% des internautes (4,54 milliards).

C'est-à-dire que 400 millions de personnes dans le monde sont dépendantes de l’imagerie pornographique, avec pour conséquence, des troubles de confiance en soi, sociaux et interrelationnels. 

Pour finir avec les mots d’André Corman sur la question :

« La sexualité est aujourd’hui devenue un marché de la consommation. On consomme du porno, en relation avec nos frustrations sexuelles. La pornographie s’occupe de ces frustrations sexuelles. Et de mon point de vue professionnel, les conséquences de la pornographie sont désastreuses. C’est par exemple la première cause des troubles du désir chez les hommes. Ce mode de relation virtuelle au sexe est un donc réel problème car elle nous impose des images et des clichés. Alors que l’on devrait construire et réfléchir nous-même à notre sexualité. »

Peut-être devrions-nous rendre ses armes à l’imaginaire amoureux et sexuel. Et apprendre à maîtriser notre consommation du porno, qui n’est autre chose que de l’imagerie. 

C’est l’adhésion au porno, qui est aujourd'hui pose problème pour nos sexualités.

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